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Cercle
d'Études Vernonnais
Les activités 2024 du CEV et de ses membres |
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Jeudi 18 janvier 2024 |
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Assemblée générale annuelle des adhérents du CEV
Ordre du jour rapport moral et approbation,
rapport
financier et cotisations, rapport du vérificateur des comptes, approbation,
budget 2023,
orientations
pour 2024,
L’année 2023 a été une année riche en activités. quitus sur la gestion du conseil d’administration, renouvellement des membres sortants présentation du nouveau Cahier vernonnais. . RAPPORT MORAL 2023 Le secrétaire, Gérard Gengembre Outre l’assemblée générale pour l’année 2022 tenue le 19 janvier 2023 et un programme complet de conférences données par des membres du CEV ou des conférenciers invités, le CEV a participé ès-qualités aux « conférences de Vernon » données dans le cadre des événements liés à « Vernon capitale des villes Ariane ». ![]() Une bonne présence de nos membres, un nombre fort satisfaisant de pouvoirs, la présence de Mme Léocadie Zinsou, adjointe en charge de la vie associative, et, dans le public, de Mme Patricia Daumarie représentant la SNA. ont caractérisé l’assemblée générale du 19 janvier, qui a pu se conclure par la traditionnelle galette dont le retour a été salué. . Les membres du CA rééligibles ont été renouvelés. Mme Françoise Demangeon et M. Guy Quintane ont officiellement rejoint le CA. . Le bureau a été reconduit et se compose de Jean Pouëssel, président, Jean Baboux, vice-président, Dominique Siméon, trésorier, Gérard Gengembre, secrétaire. Les conférences se sont déroulées tantôt dans la salle Maubert, tantôt dans la salle Vikings :
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-23 février : M. Denis Wolff sur Albert Demangeon, un maître de l’école française de géographie ;
-16 mars : M. Gérard Granier sur les parcs naturels régionaux, une richesse normande ; -13 avril: M. François Neveux sur saint Michel, Jeanne d’Arc et la Normandie; ![]() - 11 mai : M. Arnaud Tastavin sur le passé de Vernon en pierre et en os, premier bilan des fouilles archéologiques à Vernon ; -21 septembre : M. François Terrier sur l’histoire de la pomme de terre ; -29 octobre : M. Christian Roy sur le marquis de Tourny ; -16 novembre : Jean Baboux, sur les représentations de saint Adjutor ; -14 décembre : M. Emmanuel de Waresquiel ‒ avec la participation de Gérard Gengembre ‒ sur Jeanne du Barry, une ambition au féminin. En dépit des contraintes qui pouvaient demeurer, l’assistance à ces diverses conférences a été très satisfaisante. Comme de coutume, de substantiels comptes rendus de ces conférences figurent dans le Cahier vernonnais n° 46. . Les conférences des « Entretiens de Vernon » ont eu lieu les 16 février (M. Christophe Bonal), 12 avril (M. Mathieu Chaize), 17 juin (Mme Cécile Agosta), 23 septembre (M. Philippe Varnoteaux), 9 novembre (M. Thomas Marceau) et 21 octobre (Gérard Gengembre, sur Tintin et l’espace ‒ notons à ce propos que le CEV a été contraint d’acheter un grand écran afin d’assurer un visionnage satisfaisant dans la salle Viking). . Ajoutons que Christian Vanpouille, véritable maître d’oeuvre des activités liées à « Vernon capitale des villes Ariane », a également organisé plusieurs randonnées et visites sur le site du LRBA, devenu plateau de l’Espace, avec la présence de Jean Baboux évoquant l’action d’Edgar Brandt sur le plateau. . La sortie annuelle a eu lieu le 20 juin. Nous avons été magnifiquement accueillis par le propriétaire du château de Bonnemare à Radepont. Nous avons innové, puisque le CEV a pris en charge apéritif, boissons, salade, fromage, dessert et café, de même que le service à la place, et que seul le plat principal était fourni par un traiteur. Cette formule a été appréciée par les 64 convives. Le récital offert par Brigitte Quintane accompagnée au clavier par Guy Quintane fut une belle surprise. . Le CEV a été présent lors du Grand Déballage du 1er octobre. . Tant par quatre communications de membres du CEV que par notre présence, nous avons participé au congrès de la FSHAN à Domfront-en-Poiraie du 11 au 14 octobre. Le compte rendu figure dans le Cahier n°46. . Nous pouvons espérer que le rapport moral de l’année 2024 fera état d’une activité aussi dense que celle de l’année écoulée, d’autant que nous avons planifié un bel ensemble de conférences à partir de février 2024. |
Jeudi 22 février 2024 Alphonse Karr, l'inventeur d'Étretat Gérard Gengembre |
Présentation de la conférence :![]() Journaliste, romancier, ami de Victor Hugo, Alphonse Karr fut au cœur
d’un réseau de gens de lettres durant les années du romantisme. Personnalité
célèbre durant Si la passionnante biographie d'Alphonse Karr tout au long du siècle et ses soubresauts, ainsi que l’ensemble de son œuvre constitueraient à eux seuls le sujet d’une conférence, Gérard Gengembre insistera sur l’influence que ses romans eurent sur la popularité de la côte normande et sur l’image de la Normandie qu’il contribua à enrichir. Ainsi, seront évoqués entre autres Histoire de Romain d’Étretat (1836), Les Soirées de Sainte-Adresse (1853), Histoires normandes (1855), La Pénélope normande (1860) . ![]() En l’absence de Jean Pouëssel, le vice-président Jean Baboux, devant une assistance fournie salle Maubert, a présenté le conférencier, qui n’est pas un inconnu pour le CEV, et a souligné que si le nom d’Alphonse Karr est connu, ses œuvres le sont nettement moins . Dans un premier temps, Gérard Gengembre situe Alphonse Karr dans son époque, donne quelques anecdotes, comme la tentative d’assassinat en 1840 par Louise Colet, qui s’estimait diffamée dans une des satires des Guêpes, ce qui lui permit d’exposer chez lui le couteau de cuisine avec la légende « Donné par Louis Colet… dans le dos », et signale qu’on lui doit quelques expressions restées dans la langue : « Que messieurs les assassins commencent ! », à propos de la peine de mort ; « Plus ça change, plus c’est la même chose ». Il rappelle également qu’il fut l’amant de Juliette Drouet avant Victor Hugo, et que c’est par son article dans Le Siècle relatant la mort de Léopoldine que Hugo apprit la tragique nouvelle. Le conférencier propose ensuite de retracer la carrière d’Alphonse Karr avant d’évoquer la pl ![]() 1. La carrière d’Alphonse Karr Alphonse Karr (1808-1890) est écrivain et journaliste. Fils du pianiste compositeur munichois Henri Karr ‒ connaissant l’allemand, il fera des traductions ‒, il étudie à Paris au lycée Condorcet, il y enseigne quelque temps, puis s’adonne à la poésie. Il espère alors gagner sa vie grâce à ses poèmes, et envoie une pièce en vers au journal Le Figaro, lequel lui conseille d’écrire en prose. Alphonse Karr décide donc de réécrire son roman Sous les tilleuls en prose, et se fait publier. C’est ainsi qu’en 1832, à l’âge de vingt-quatre ans, il débute dans la littérature avec son roman le plus célèbre qui lui vaut son entrée au Figaro. S'ensuit alors une série de titres, Une heure trop tard (1833) ‒ qui transpose ses amours avec Juliette Drouet ‒, Fa dièze (1834), Vendredi soir (1835), Einerley (1838), etc., où se combinent les mêmes composantes : héros exalté, héroïne vaporeusement attendrie, évocation de la nature et de thèmes fréquents dans le romantisme allemand, sentimentalité et sensiblerie à fondement autobiographique, entremêlées de fantaisie ironique et bouffonne. Nous sommes en plein romantisme léger 1830. Satiriste redoutable et redouté, styliste hors pair, Alphonse Karr commence alors une belle carrière. En 1836, il participe à la Chronique de Paris fondée par Honoré de Balzac, dont la parution ne durera que six mois mais qui fut un « joyeux intermède » confie-t-il. Son roman Histoire de Romain d’Étretat fait connaître Étretat, où il se rend souvent. Par ses écrits et son réseau d’amis, on peut même le considérer comme l’« inventeur » d’une autre station balnéaire normande, celle de Sainte-Adresse, près du Havre, dont il est le conseiller municipal de 1843 à 1849 et où il situe plusieurs romans. Parallèlement à ses articles au Figaro, il écrit dans les revues Entr’acte, la Revue de Paris et Le Corsaire, puis il signe des feuilletons dans La Presse et Le Siècle. Il devient ensuite rédacteur en chef au Figaro, de 1836 à 1838. Il participe également à L’Événement, journal fondé par Victor Hugo et qui paraît de 1848 à 1851. Quant à sa production fictionnelle, elle est abondante et privilégie l'histoire d'amour difficile. Elle se distingue par les intrusions désinvoltes et humoristiques de l'auteur dans le cours du récit (Ce qu'il y a dans une bouteille d'encre : Geneviève, 1838 ; Clotilde, 1839 ; Hortense, 1841 ; Midi à quatorze heures, 1842 ;Feu Bressier, 1844 ; Agathe et Cécile, 1853…). Un roman est dirigé contre les études universitaires classiques, Raoul Desloges, ou Un homme fort en thème (1851). il écrit aussi un conte pour enfants, Les Fées de la mer (1851), un Voyage autour de mon jardin (1845), roman par lettres exaltant la botanique et l'horticulture (auquel succédèrent les Lettres écrites de mon jardin, 1853 ; Promenades hors de mon jardin, 1856 ; Le Credo du jardinier, 1875...) ; un cas de bovarysme, Hélène (1891). Toute une part de l'œuvre d'Alphonse Karr est du recyclage de récits ainsi, Pour ne pas être treize (1841), Am Rauchen (1842), Contes et nouvelles (1852), Devant les tisons (1853). En 1839 il publie une revue satirique, Les Guêpes (reprenant ainsi Aristophane), dont il est l’unique rédacteur, et dans laquelle il s’en prend à la plupart des célébrités de son époque. C’est le second succès phénoménal de sa carrière littéraire. Il arrête cette production en 1849, puis la reprend de 1853 à 1855 avec les Nouvelles Guêpes. Opposant à Louis-Philippe, il se présente en 1848 sans succès à la députation en Seine-Inférieure, puis à Louis-Napoléon Bonaparte ‒ il soutenait Cavaignac ‒, il s’installe à Nice, alors italienne, dans une propriété agricole et développe une activité de floriculture ; il ouvre avec succès un magasin de vente de bouquets de fleurs, de fruits et légumes, destinés à une clientèle d’hivernants. Son intérêt et sa connaissance des jardins expliquent qu’une poire, la « Poire Alphonse Karr », un bambou, le Bambusa multiplex Alphonse Karr et un dahlia ont été nommés en son souvenir. Resté humoriste, il publie un traité intitulé Comment insulter les plantes en latin. Il est à l’origine de la « Bataille des fleurs » du Carnaval de Nice. Il quitte Nice en 1865, exproprié par la construction de la gare et s’installe à Saint-Raphaël alors petit port paisible que sa présence contribue à rendre attirant aux yeux des estivants du beau monde. Il devient le symbole de la naissance de cette station balnéaire. Sa notoriété attire de nombreux artistes. Il s’installe entre Boulouris et Saint-Raphaël dans sa maison dite « close » car en retrait et à l’abri, nichée au fond d’un merveilleux jardin. Alphonse Karr mène alors une vie simple et bucolique, tout en continuant d’écrire et d’agir pur des causes qui lui sont chères, comme celle des animaux. En 1882, il devient président de la Ligue contre la vivisection. Il publie successivement Le Livre des cent vérités (1848), Une poignée de vérités (1853), Trois Cents Pages, mélanges philosophiques (1858), Menus Propos (1859), Plus ça change et plus c'est la même chose (1875), Grains de bon sens (1880), Bourdonnements (1880), À l'encre verte (1881), Les Points sur les i (1882), À bas les masques ! (1883), Le Pot aux roses (1887), etc., recueils d'articles déjà parus dans des journaux ou revues divers. De ses volumineuses Œuvres complètes, on peut aussi retenir les quatre volumes du Livre de bord (1879-1880), mémoires qui apportent un témoignage intéressant et original sur le siècle. Il meurt en 1890 à l’âge de quatre-vingts-un ans, dans sa Maison Close, aux côtés de sa fille Jeanne, son gendre Léon, et ses trois petits-enfants. Il est enterré au cimetière tout proche, auquel la commune donnera son nom, sous une tombe en forme de tronc d’arbre. 2. Alphonse Karr et la Normandie L’écrivain a trouvé dans la vie des pêcheurs sur les côtes normandes, à Sainte-Adresse puis à Étretat, la veine nouvelle de son inspiration, sans modifier cependant sa manière, dont la spécificité avait fait sa réputation et qui bénéficiait d'un public assidu : Le Chemin le plus court (1836), Histoire de Romain d'Étretat (1836), La Famille Alain (1848), Clovis Gosselin (1851), La Pénélope normande (1855), etc. Gérard Gengembre lit et commente plusieurs extraits de romans évoquant Trouville, Honfleur, la Dives, Rouen, Le Havre et Étretat. En voici deux : Honfleur est une jolie ville en face du Havre de Grâce et bâtie en amphithéâtre au pied d’une colline très-élevée ; les arbres qui en couronnent le sommet se découpent en noir sur le ciel. Au pied, parmi les maisons couvertes de tuiles rouges, on remarque les restes de la lieutenance, vieux bâtiment ruiné, aux murailles grises, des fentes desquelles s’échappent quelques giroflées sauvages, dont le feuillage vigoureux se couvre presque toute l’année de ces étoiles jaunes si odorantes. Lorsque, par un chemin sinueux et revenant plusieurs fois sur lui-même pour adoucir la pente, on est arrivé au sommet de la côte de Grâce, on découvre une immense étendue de mer, et l’œil, au loin, à l’horizon, se perd dans la brume, que semble par moments déchirer quelque navire aux voiles blanches, glissant sur l’onde comme un grand cygne ; la plate-forme de la côte est tapissée d’une épaisse pelouse verte et toute couverte de grands arbres sous lesquels est la chapelle de Grâce. Au plus haut point de la colline est un grand Christ sur la croix, que l’on aperçoit de très-loin en mer. À moitié de la côte était une petite maison, semblable à toutes les maisons ; seulement, derrière, un mur assez élevé renfermait un espace d’un demi-arpent, à peu près ; quelques cimes d’arbres presque entièrement dépouillées dépassaient la muraille ; quoiqu’il ne fît aucun vent, à chaque instant cependant quelques feuilles tombaient. Un sorbier seul gardait ses larges ombelles de baies semblables à des grains de corail ; au dedans du jardin, on eût pu voir la vigne qui couvrait les murs conserver la dernière son tardif feuillage et étaler avec orgueil ses pampres richement colorés de jaune et de pourpre. Le ciel était gris, bas et tout d’un seul nuage immobile. Les oiseaux ébouriffaient leurs plumes aux premières atteintes du froid. Quoique la mer fût calme et unie, elle n’en paraissait pas moins menaçante ; des tas d’algues et de varechs, arrachés à ses profondeurs et jetés sur la plage au delà des limites ordinaires de l’Océan, racontaient une récente colère. Les grandes mouettes blanches aux ailes noires rasaient l’eau en longues files. Comme le jour commençait à baisser, un homme vêtu en chasseur sonna à la porte de la petite maison ; une fille mise à la mode du pays vint lui ouvrir. Elle avait une jupe rayée blanc et rouge et un corsage noir dont la ceinture s’attachait presque sous les bras ; elle était coiffée d’un bonnet de coton bien blanc ; à ses mains, passablement violettes, elle portait deux ou trois bagues d’argent. Le chasseur regarda si son fusil était désarmé, le remit à son introductrice, et jeta sur une table son carnier vide. Puis il passa dans une chambre où il changea d’habit. Cette chambre offrait au premier abord une remarquable confusion : l’œil était frappé d’un mélange incohérent de palettes, de chevalets, de toiles commencées et abandonnées pour d’autres qu’on avait quittées à leur tour ; une guitare, un cor, un piano, occupaient le reste de la place avec quelques ustensiles de chasse appendus aux murailles. Les seules choses, peut-être, qu’on n’eût pu trouver dans cette chambre, où tout semblait rassemblé, eussent été un encrier et des plumes ; de sorte que si, au premier aspect, on se rappelait involontairement cet axiome mythologique, que les Muses sont sœurs, on ne tardait pas à remarquer qu’il y en avait une que le maître de ces lieux proscrivait comme bâtarde et étrangère. Pour lui, c’était un homme d’assez haute taille ; sa figure maigre portait l’empreinte de l’ennui et d’un insoucieux dédain ; son teint était fortement hâlé par l’air de la mer ; ses cheveux étaient bruns. Malgré la simplicité de ses vêtements, il avait un air de distinction qui frappait dès le premier instant, et que l’examen rendait plus évident encore. Il avait les mains et les doigts effilés ; quand sa veste de grosse laine brune s’entr’ouvrait, on voyait une chemise de fine toile plissée avec soin. Il ne tarda pas à passer dans la chambre de madame. A l’époque de ces premiers refroidissements de l’atmosphère, c’était la seule pièce où il y eût du feu régulièrement. Cette pièce était tendue de bleu clair ; le lit, les rideaux, un divan, étaient de la même couleur ; un tapis blanc à rosaces bleues et noires couvrait le parquet. Un grand feu éclairait seul la chambre, lorsque la servante qui précédait Roger apporta deux bougies. Roger, en entrant, baisa la main de sa femme. Elle était nonchalamment étendue dans une bergère, et, longtemps encore après l’arrivée de son mari, on eût pu voir, au voile qui couvrait son front, à l’incertitude distraite de son regard, qu’elle s’était livrée complètement à la rêveuse influence qu’exerce la fin du jour, alors que les formes des objets s’effaçant peu à peu, l’imagination n’a plus rien à quoi elle puisse s’attacher et se cramponner sur la terre, et que, rompant ses entraves, elle s’élance au ciel et erre vagabonde dans les espaces imaginaires. (Midi à quatorze heures) Étretat est un bourg de Normandie, situé à vingt-trois kilomètres nord-est du Havre-de-Gràce ; une vallée étroite, qui paraît avoir été le lit d’un torrent, descend vers la mer par une pente rapide. La plage forme un amphithéâtre, borné à droite et à gauche par des falaises de rochers de trois cents pieds de haut. De cet amphithéâtre fermé, on sort des deux côtés par des portes que la mer a creusées dans le roc : on les appelle porte d’Aval et porte d’Amont. La porte d’Amont est ronde et basse ; la porte d’Aval, en forme d’ogive, ressemble au portail d’une cathédrale. Auprès de cette porte est un immense obélisque de roche blanche, au sommet duquel les mouettes et les goélands se plaisent à faire leurs nids. Quand la mer est pleine, on passe sous les portes en canot ; à la marée basse, on peut y passer à pied sec. La mer a, en outre, creusé des cavernes, revêtues d’algues et de varechs, qui contribuent à faire d’Étretat un des sites les plus sévèrement pittoresques qu’il soit possible de voir. Une source très-abondante coule à la mer par-dessous le galet, non loin de la porte d’Aval. On prétend que ç’a été une rivière qui s’est perdue sous terre ; pour dire la vérité, elle apporte autant d’eau à la mer que beaucoup de rivières auxquelles la grammaire de la géographie donne le droit de s’appeler fleuves. C’est là que se rassemblent les femmes d’Étretat pour laver le linge. Elles forment dans le galet un trou rond, qui se remplit d’une eau limpide et douce, et improvisent ainsi un baquet commode, dont l’eau se renouvelle sans cesse. Après quoi, elles étendent leur linge sur les galets, lavés par la mer à chaque marée, et chauffés par le soleil à la marée basse. Le galet d’Étretat ne ressemble pas à celui qu’on rencontre le plus souvent au bord de la mer. Ainsi, sur les plages du Havre, par exemple, les falaises formées de terre et de craie sont souvent dégradées par la mer ; les pierres qu’elles contiennent, qui sont, comme toutes les pierres, de forme irrégulière, usent leurs angles et s’arrondissent à force d’être roulées par les lames ; mais cette opération est assez longue ; et, comme il s’en détache sans cesse de nouvelles, le galet présente aux yeux et, qui pis est, aux pieds, des cailloux de toutes formes, hérissés d’aspérités et de pointes. À Étretat, au contraire, où il n’y a pas de terre au bord de la mer, où il ne se détache qu’à des espaces très-éloignés quelques morceaux de rocher, ce sont les mêmes pierres, toujours roulées, toujours sassées, ressassées, usées, polies, qui forment le bassin, de sorte qu’elles sont presque toutes ou rondes ou en forme d’œufs ; on y trouve souvent des sortes d’agates d’une belle couleur. La fontaine, ainsi s’appelle la place que nous avons désignée, et où coule sous les galets l’ex-rivière d’Étretat, est le lieu de réunion le plus important du pays ; là, tous les jours, à la marée basse, parfois même la nuit avec des lanternes, car il faut obéir à la marée et non au cadran de l’horloge, là, les femmes, réunies pour laver, jasent et babillent tous les jours pendant plusieurs heures ; chacune apporte le produit de sa chasse, c’est-à-dire tous les bruits, toutes les rumeurs, qu’à Paris on appelle cancans, potins en Normandie, et ramages dans les Ardennes. (Histoire de Romain d’Étretat). Gérard Gengembre souligne le rôle de ces ouvrages, et singulièrement de Romain d’Étretat dans la promotion touristique de la côte normande. En effet, L’essor du tourisme, à partir des années 1820, entraîne une mutation de la géographie de la province, la vallée de la Seine et les rivages occupant désormais une place centrale, tandis que la Normandie intérieure est reléguée au rang d’arrière-pays. L’arrivée des touristes accompagne la mise en valeur d’une série de sites et de lieux, comme les falaises du Caux, les vastes plages du Calvados, l’immensité plane de la baie du Mont-Saint-Michel, auxquels l’expérience romantique, avec le code pittoresque, fournit le mode d’emploi de la contemplation. Avec les écrivains et les journalistes, les peintres jouent un rôle essentiel dans la découverte des rivages normands, qui sont alors le lieu où s’invente la villégiature balnéaire en France. Les guides touristiques de la deuxième moitié du XIXe et du début du XXe siècle utilisent abondamment ces figures pour construire le récit fondateur des stations, comme l’artiste ou l’écrivain voyageur, tels tel Eugène Isabey à Trouville ou Alphonse Karr à Étretat. Il insiste aussi sur la peinture du milieu des pêcheurs, notamment dans Histoire de Rose et de Jean Duchemin, très beau et émouvant récit authentique de la vie d’une famille de pêcheurs d’Étretat (1815 - 1844) écrit par Rose Duchemin, la femme du pêcheur et publié puis récupéré par Alphonse Karr à partir de 1845. C’est un étonnant témoignage sur la vie du pays de Caux, les rapports hommes femmes, les duretés de la vie de pêcheur, l’éducation des enfants, le désespoir contenu devant leur mort. Le récit est une œuvre littéraire véritable dans un français qui retient la musique de la langue normande patoisante. Pour conclure, afin de mettre en valeur l’esprit d’Alphonse Karr, Gérard Gengembre lit quelques extraits des Guêpes et d’un ouvrage intitulé Les Femmes. Quelques questions ont été posées, sur la disponibilité des œuvres de Karr (Gallica mais aussi de nombreuses rééditions contemporaines), sur sa vie sentimentale (aventures lors de la période de bohème parisienne, puis mariage heureux et fécond), sur les raisons du purgatoire qu’il traverse depuis longtemps (sans doute une légèreté et une ironie peu en phase avec notre époque), sur les rapports qu’il a pu avoir avec Flaubert (ils se connaissaient et Karr rendit visite au « Vieux » en compagnie d’Edmond de Goncourt) ou Offenbach qui vécut un temps à Étretat et des précisions sont apportées sur les rapports entre Hugo et Karr. |
Jeudi 21 mars 2024 Maupeou, un Eurois face aux oligarchies de l'Ancien Régime finissant Guy Quintane |
Présentation de la conférence :![]() À quelques kilomètres
des Andelys, sur une falaise dominant la Seine, la commune du Thuit ne
porte plus trace de Charles-Nicolas Maupeou qui résida pendant
dix-huit ans dans le château dont il avait fait l’acquisition après
avoir été disgracié, lorsque Louis XVI arriva au pouvoir.
![]() Trop méconnu, Maupeou reste pourtant l’un plus grands hommes d’État du XVIIIe siècle. Après une carrière de membre du parlement de Paris qui le conduisit jusqu’à la présidence de celui-ci, il devint chancelier en 1768 et fut le dernier à occuper cette fonction. Doté d’une fine intelligence et d’un grand courage, il n’hésita pas à ramener à la raison des Cours souveraines qui depuis de longues années faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour empêcher les réformes indispensables pour répondre aux exigences de l’État. Elles portèrent notamment sur la réorganisation de la justice, dont il décida de la gratuité et de l’accès aux carrières de ses magistrats. Ses réformes furent abandonnées par Louis XVI. Réagissant au rétablissement des parlements le 1er novembre 1774, il dira : « Le roi veut perdre sa couronne, il en est bien le maître ». Moins de deux semaines après sa mort, la monarchie était emportée dans un déchaînement de violence. C'est Guy Quintane, ancien doyen de la faculté de droit de Rouen, membre du CEV, qui fera revivre la figure du chancelier Maupeou.
C’est dans une salle Maubert bien remplie que le président Pouëssel a
présenté le conférencier de ce soir : Guy Quintane, membre du conseil
d’administration du CEV, ancien énarque ayant choisi l’enseignement,
professeur de droit, ayant terminé sa carrière de professeur comme
doyen de l’
![]() Maupeou est une personnalité importante du XVIIIe siècle ayant voulu réformer la monarchie ; malgré tous ses efforts, il a finalement échoué. C’est un Normand d’adoption, puisqu’il possédait le domaine du Thuit, près des Andelys où il a demeuré une vingtaine d’années. Les réformes que cet homme a voulu entreprendre datent de 1774 : cette année 2024 en marque donc le deux cent cinquantième anniversaire ; notons également que notre année 2024 célèbre aussi le cinquantième anniversaire de la loi constitutionnelle votée en 1974. René-Nicolas de Maupeou naît en 1714, au sein d’une famille appartenant à la grande noblesse de robe. La naissance de l’enfant précède la mort de Louis XIV l’année suivante. Le jeune Maupeou suit des études de droit et à dix-neuf ans, en 1733, il peut acheter un office de conseiller au parlement de Paris ; très vite il est nommé président à mortier, c’est-à-dire qu’il préside une chambre de cette institution judiciaire au moment où son père en devient le premier président. En 1763, Nicolas de Maupeou devient à son tour président du parlement de Paris. Cependant si la carrière de Maupeou se déroule tout entière au parlement, il prend ses distances avec ce monde judiciaire qui conteste l’autorité du roi. En 1768 il est chancelier de France et il le restera jusqu’en 1790 ; en même temps il est garde ses sceaux. Nicolas de Maupeou est un homme discret, c’est un grand travailleur, une copie de Colbert, sans doute avec plus d’austérité. L’histoire ne lui connaît pas d’aventures galantes, il a une haute idée du service de l’État. Maupeou avait épousé en 1744 le jeune Anne Marguerite Thérèse de Roncherolles, issue d’une riche et antique noblesse d’épée : cette fille unique, ayant perdu son père, jouit, d’une immense fortune : elle apporte au couple une rente annuelle de 50 000 livres de rentes (environ 70 000 euros). Il s’agit, comme souvent à l’époque, d’un mariage de convenance, sans passion réciproque. La jeune épouse devait décéder à vingt-sept ans, après avoir donné deux fils à son époux : l’un meurt en Angleterre en 1789, l’autre devait être victime de la fureur révolutionnaire en 1794, deux ans après le décès de son père. Pour bien comprendre l’œuvre politique de Nicolas de Maupeou, il est utile de décrire le contexte générale de la période vers le milieu du XVIIIe siècle, à l’époque du roi Louis XV. La première partie du long règne de Louis XV est heureuse, c’est à ce moment que le souverain reçoit le surnom du « bien aimé », mais au moment où Maupeou arrive aux affaires le contexte général est moins brillant, l’autorité du roi est contestée de différentes manières. Tout d’abord, dans le domaine de la foi catholique, la France connaît l’influence du jansénisme. Cette doctrine théologique née au XVIIe siècle, nie la liberté de l’homme porteur du mal et par là même favorise une vision individualiste du monde. Il faut se méfier des hiérarchies et donc du Saint Siège imposant aux catholiques sa vision du monde. Les jansénistes sont gallicans, défendant une certaine autonomie de l’Église de France vis-à-vis du pape. Le jansénisme évolue au XVIIIe siècle pour devenir un mouvement de contestation de l’absolutisme royal. Les jansénistes s’opposent ainsi aux jésuites, considérés comme les agents de la papauté. Cette contestation touche une partie non négligeable des parlementaires, dont environ un tiers colportent les idées jansénistes. Le pape rédige la bulle Unigenitus condamnant le jansénisme ; le texte de cette bulle devient en France une loi d’État, mais le parlementaires, en particulier le parlement de Paris refuse d’enregistrer la bulle Unigenitus. Nous assistons dans le royaume à un risque de subversion. Au même moment le royaume connaît l’émergence de l’opinion publique avec les idées nouvelles, amenant à qualifier le XVIIIe de « siècle des Lumières ». En 1751 sont publiés les premiers volumes de L’encyclopédie de Diderot, remettant en cause, entre autres, l’absolutisme royal. Très vite l’ouvrage est mis à l’index. C’est durant cette période que Jean-Jacques Rousseau évoque un contrat social, en opposition à la notion d’absolutisme. Nous assistons donc alors à une rupture idéologique dans le domaine politique. Pourtant le règne du roi Louis XV correspond pour la France à un développement des arts et des lettres. Le souverain protége les artistes et il leur offre des pensions et des commandes. En peinture de grands noms peuvent être cités, comme Watteau, Boucher, van Loo ou Fragonard ; dans le domaine musical signalons des artistes comme Bach ou Beethoven. Pour l’anecdote, le conférencier rappelle que le 1er janvier 1764, le jeune Mozart, dans son périple européen joue devant Louis XV et la cour. Dans le domaine des relations internationales, le règne de Louis XV est marqué par deux conflits : la guerre de Succession d’Autriche et la guerre de Sept Ans. La France se trouve dans le camp des vainqueurs à l’issue du premier conflit, mais n’en a retiré aucun profit matériel : Guy Quintane indique là que nous découvrons une forme de générosité de la part de Louis XV. Par contre le royaume de France sort meurtri et humilié de la guerre de Sept Ans : nous perdons, entre autres, le Canada, « Quelques arpents de neige », aux dires de Voltaire. Ces deux conflits marquent l’entrée de la Prusse dans le concert des nations et surtout, désormais, la prééminence de l’Angleterre en Europe. Les deux guerres ont coûté un milliard de livres au Trésor royal enregistrant ainsi un important déficit, même si l’endettement de la France, à la mort de roi, ne correspond qu’à 50% du PIB (pour mémoire, aujourd’hui notre déficit dépasse 150% du PIB). Pour comprendre le rôle de Maupeou, il est nécessaire de connaître l’organisation des institutions de l’État alors. Existent des « cours souveraines » et parmi ces dernières il faut évoquer les parlements. À cette époque les parlements sont des juridictions d’appel. Le royaume compte treize parlements dans les provinces ; le parlement de Paris joue un rôle essentiel dans le fonctionnement des institutions. En effet le parlement de Paris, en plus de son rôle juridictionnel, se considère comme conseiller du prince, selon les lois fondamentales du royaume, avec le droit de remontrance qu’il exerce lorsqu’il doit enregistrer un édit pour le rendre exécutoire. De ce droit le parlement use et abuse, même si le pouvoir royal peut lui imposer l’enregistrement d’un édit par une lettre de jussion, voire un lit de justice. Ces différentes procédures ralentissent l’exercice du pouvoir royal voyant là un frein à ses prérogatives. Il existe sous l’Ancien Régime, au XVIIIe siècle, d’autres cours souveraines comme les cours des aides et les cours des comptes, compétentes dans le domaine fiscal et financier. Comme les parlements, ces cours souveraines constituent un frein à l’absolutisme qu’elles contestent. Environs 1 500 magistrats peuplent ces cours souveraines ; l’époque connaît la vénalité des charges, chaque office coûtant pas moins de 50 000 livres. Ces hommes appartiennent donc à une catégorie de privilégiés. À partir du milieu du siècle, ces magistrats s’enfoncent dans la contestation. Certes ces hommes sont favorables à la royauté, mais une royauté contrôlée par les parlements. Nous le voyons en particulier lors de l’affaire de l’Hôpital général de Paris. Cette institution créée au XVIIe siècle était destinée à soigner, mais surtout à enfermer les pauvres. Très vite l’Hôpital général fonctionne en totale indépendance des institutions royales, la direction étant nommée par le parlement : l’existence de malversations, de détournements de fonds, d’abus de toutes sortes, sous l’autorité d’une direction janséniste, arrive à la connaissance du roi qui veut mettre fin au scandale en faisant nommer une direction moins corrompue. Cela déclenche une vive réaction du parlement de Paris et le roi doit s’incliner. Cependant chacun sait ce qui se passe à l’Hôpital général et voit que le parlement soutient l’insoutenable. Le roi prépare sa revanche. Autre affaire montrant l’opposition des parlements à l’autorité du roi : il s’agit des billets de confession. Pour vérifier que les fidèles ne sont pas jansénistes, ils doivent disposer d’un billet de confession prouvant qu’ils approuvent le bulle Unigenitus. Cela pose un grave problème lors des obsèques de personnes jansénistes, refusant la bulle Unigenitus et n’ayant donc pas reçu l’extrême onction et un billet de confession. Le parlement de Paris prend parti pour les jansénistes et adopte plusieurs arrêts en leur faveur. Le conflit avec les autorités royales éclate : le parlement se met en grève en 1753, mais le roi réagit en exilant les parlementaires en province. L’affaire s’apaise grâce au pape qui publie une encyclique ramenant le calme. Une autre source de conflit est l’existence du Grand Conseil, une formation juridictionnelle du conseil du roi et qui par nature se heurte aux décisions du parlement. Cette fois-ci le parlement doit se soumettre. C’est dans ce contexte que se déroule l’affaire de Bretagne. L’administration royale voulait revoir le système fiscal de cette province, mais, La Choletais, procureur général du parlement de Rennes s’oppose aux exigences du représentant du roi, le duc d’Aiguillon, voulant que les états de Bretagne participent à l’effort fiscal. Malgré une lettre de jussion, le parlement reste sur ses positions de refus en menant des actions souterraines. À la fin le roi doit s’incliner et accepter le maintien des privilèges fiscaux de la Bretagne. Ces oppositions concernent largement les impôts : les ressources fiscales réelles ne permettent pas de répondre aux nécessités de l’époque, en particulier aux fortes dépenses liées à la guerre de Sept Ans. L’Ancien Régime lève des impôts indirects comme la gabelle portant sur le sel, mais surtout sur des impôts directs comme la taille, affermée à des fermiers généraux, mais dont sont exonérés les ordres privilégiés, le clergé et la noblesse ; étaient apparus l’impôt du dixième, puis du vingtième (5% des revenus), que devaient payer tous les sujets. C’était un impôt déclaratif et la plupart des privilégiés s’affranchissent d’une déclaration sincère, entraînant par là même un accroissement fiscal des classes populaires. Les parlements s’opposent à toute réforme, concernant en particulier les impôts directs. C’est donc dans ce climat politique tendu qu’en 1768 Nicolas de Maupeou devient chancelier. À cette époque, le chancelier est le premier personnage de l’État ; c’est un grand officier de la couronne nommé par le roi et chargé de l’organisation de la justice du royaume. Il est inamovible. Maupeou arrive aux affaires alors que Louis XV est affaibli : le roi vient de perdre son fils unique en 1765 ; un an plus tôt c’était le décès de madame de Pompa ![]() Bientôt en 1768, l’année même où meurt la reine Marie Leszszynska, arrive une nouvelle favorite, Jeanne du Barry. Cette femme intelligente a aimé sincèrement le roi, elle a apaisé le souverain et l’a aidé à surmonter ses crises d’angoisse. La comtesse du Barry soutient Maupeou. En ces années 1770-1774 la France se rétablit ; le roi désire reprendre les choses en main. Maupeou aide le roi en rédigeant les textes de ses interventions. Un nouveau refus du parlement de Paris concernant l’enregistrement d’un édit, le roi organise une lit de justice : le parlement réitère son droit de remontrance et se met en grève, du coup l’administration royale réagit cette fois entraînant en janvier 1771 l’arrestation et l’exil des magistrats de ce parlement. En avril 1771, le roi provoque un lit de justice marquant de nouvelles dispositions législatives : est créé un nouveau parlement, avec la suppression de la vénalité des offices, la gratuité de la justice pour les justiciables – fin des épices – , la création de nouvelles juridictions afin de réformer la carte judiciaire du parlement de Paris ; le parlement de Rouen, très remuant, est supprimé. Dans le même temps l’abbé Terray propose des réformes fiscales. Ces différents changements entraînent une diminution du déficit budgétaire. À la fin du règne de Louis XV, le royaume présente un déficit de 250 000 000 de livres. Le roi décède le 10 mai 1774, le nouveau souverain, Louis XVI, largement sous l’emprise de sa femme, décide d’abandonner les réformes de Nicolas de Maupeou qui est bientôt révoqué ; il doit rendre les sceaux et il est exilé sur ses terres. Nicolas de Maupeou rejoint donc son château du Thuit. Les parlements d’origine sont rétablis et ils reprennent leur fonctionnement d’autrefois. Dans son château du Thuit, loin de la cour, Maupeou va mener, à partir de 1774, une vie d’ermite, voulant apporter le bien auprès de ses gens. Il va néanmoins tenter d’influencer le roi en lui envoyant des courriers. Au moment de la Révolution il acquiert des biens nationaux, avant la chute de la monarchie. C’est dans son château du Thuit que Nicolas de Maupeou, meurt le 29 juillet 1792. Les questions posées lors de l’échange suivant la conférence ont porté sur quelques précisions ; en particulier l’échec des réformes de Nicolas de Maupeou augmente les tensions politiques, rendant plus forts les problèmes du déficit budgétaire créé par le financement de la guerre d’Amérique et obligeant, en fin de compte, Louis XVI à convoquer les états généraux. En conclusion une belle conférence montrant une fois de plus le rôle important joué par un homme. Si les réformes imaginées par Nicolas de Maupeou avaient pu être menées à son terme, l’Ancien Régime aurait-il pu se maintenir avec des principes nouveaux de gouvernement ? |
Jeudi 18 avril 2024 Histoire des jumelages de la ville de Vernon Martine Vardon Françoise Demangeon |
Présentation de la conférence :![]() À
la fin des années 5
![]() Le jumelage entre Bad Kissingen et Vernon en 1960 fut un des premiers jumelages en France. Il s'inscrit dans le désir de coopération approfondie entre les peuples européens. Ce jumelage fut suivi en 2002 par celui avec Massa en Italie et en 2006 par un pacte d'amitié avec Worcester en Grande-Bretagne. Martine Vardon, présidente du Comité de jumelage, évoquera cette création des jumelages et les très nombreux échanges entre les quatre pays tandis que Françoise Demangeon, membre du CEV, nous parlera des concerts donnés chaque année par les deux chorales (Cercle musical de Saint-Marcel puis Chorus semper viret avec la Kantorei de Bad Kissingen). Résumé de la conférence : |
Jeudi 23 mai 2024 "Bons" et "mauvais" pauvres en Normandie orientale (1789-1914) Antony Kitts |
Présentation de la conférence :![]() Terre de pauvreté et de mendicité, la Normandie orientale
n’a pas été épargnée par les peurs sociales qu’ont suscitées ces phénomènes. Au tournant des XIXe et XXe siècles, la mendicité et le vagabondage normands représentent un cinquième des condamnés français. Durant le long XIXe siècle, le Directoire et les débuts de la Troisième République ont constitué des moments charnières dans les politiques de lutte contre la pauvreté à la fois dans ses dimensions d'assistance (communalisation de l’assistance publique, premières lois sociales républicaines) et de répression (pénalisation, relégation). Antony Kitts, auteur d'une thèse sur la question, a focalisé son attention sur la Seine-Inférieure et l’Eure, départements aux profils opposés, l’un urbain et industrialisé, l’autre agricole et rural, en les replaçant dans le contexte national. Il montrera la diversité et la singularité des réponses d’une société normande au fort engagement social, qu’il soit de nature publique (communes, départements, État) ou privé (catholique, protestant, franc-maçon). Résumé de la conférence : |
20 juin 2024 Soirée de juin à Fours-en-Vexin |
![]() ![]() ![]() |
Jeudi 19 septembre 2024 Il y a 80 ans... la libération de Vernon, été 1944 Benoit Cottereau . |
Présentation de la conférence : La Normandie a célébré avec fastes, le 6 juin 2024, les 80 ans du débarquement allié sur ses côtes. Les opérations préliminaires à l’arrivée des forces alliées sur le continent européen sont d’abord synonymes de drames pour les populations, confrontées aux bombardements des voies de communication durant de longues semaines. Quand les maisons ne sont pas rendues inhabitables, il faut aussi parfois les évacuer pour aller vivre à l’écart des objectifs visés.
Alors qu’ont lieu les derniers combats de la poche de Falaise, à la
mi-août 1944, les troupes américaines sont aux portes de Vernon. La
population croit en sa libération imminente. Il n’en est rien. La
Résistance vernonnaise, active depuis les premiers mois de l’occupation
et désormais bien structurée, s’efforce de préserver la ville d’un
retour de l’occupant. Elle procède au changement des autorités
municipales. Plusieurs de ses membres payent de leur vie leur
engagement contre les dernières troupes allemandes présentes à Vernon. Le 25 août 1944, les forces britanniques du général Montgomery atteignent Vernon. Le soir même, elles déclenchent un franchissement d’assaut de la Seine. Une division allemande est entre-temps arrivée du Pas-de-Calais pour prendre position rive droite et tenter d’en interdire l’accès aux Alliés. S’ensuivent quatre jours d’intenses combats à Vernonnet et dans la forêt alentour. Ils permettent aux Britanniques, aux prix de lourdes pertes, de créer une vaste tête de pont incluant Pressagny-l’Orgueilleux, Panilleuse, Tilly, Heubécourt, Bois-Jérôme-St-Ouen et Giverny. Des ponts flottants sont construits par le génie, pour partie sous les tirs ennemis, afin de permettre à des centaines de chars et des milliers de soldats de passer la Seine, de libérer le nord de la France et d’entrer en Belgique en quelques jours. Le déroulement des opérations à Vernon en 1944 est aujourd’hui encore enseigné dans les écoles militaires britanniques.
Très illustrée et comportant des séquences de films tournées en 1944,
la conférence de Benoit Cottereau permettra de confronter les sources
françaises, britanniques, américaines et allemandes.
1. Les bombardements d’avril à août 1944.
8 juin, 14 h. : 33 B 26
détruisent les quais ; 67 tués, environ 100 blessés, 1135 sinistrés, soit
10 % de la population. 2. Vivre à Vernon Le centre de la ville est vide. Les secteurs menacés sont évacués le 10 juin. Puis, le 8 août, on évacue une zone de 550 m. de part et d’autre de la Seine. Les habitants de Vernonnet se réfugient dans les carrières que les Allemands n’ont pas réquisitionnées. Conclusion |
Jeudi 10 octobre 2024 Images romantiques de la Normandie Gérard Gengembre. |
Présentation de la conférence :
Si le
![]() ![]() Erudition et émotion tout au long d’un « voyage d’impressions », visée de résurrection par l’image dans le goût troubadour et l’évocation où, en exaltant un patrimoine à sauver et à protéger, le romantisme passéiste se déploie et invite à la contemplation et à la méditation. Ainsi, la Normandie va-t-elle se voir magnifiée par Isidore, dit le baron Taylor (1789-1879) et Charles Nodier (1780-1844) qui, en 1820, inaugurent leur monumentale série en dix-neuf tomes des Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France avec le volume consacré à l’« ancienne Normandie », rédigé par Alphonse de Cailleux (Rouen, 1788-1876). Suivront en 1825 un deuxième volume ‒ où figure Vernon ‒ et un troisième en 1878. On y verra l’entreprise emblématique d’une quête menée par l’art, l’archéologie et la littérature, laquelle, se penchant sur le passé, combine nostalgie et plaisir esthétique, source de réflexion, Résumé de la conférence : Jean Pouëssel a présenté le conférencier et l’a remercié d’être présent malgré quelques difficultés de mobilité. Gérard Gengembre a rendu un bref hommage à Jean-Pierre Persyn, belle figure vernonnaise disparue, et a présenté ses excuses à l’auditoire, puisqu’il était contraint de faire sa conférence assis et non debout. I. Les Voyages pittoresques et romantiques Il s’agit pour les auteurs de présenter un nouveau type de voyage : Nous n’avons dans notre langue que deux mots, peut-être même qu’un
seul, pour exprimer une vue, une scène d’objets, un paysage, qui attachent les
yeux et captivent l’imagination : si cette sensation éveille dans l’âme émue
des affections tendres et des idées mélancoliques, alors ces deux mots
Romanesque et Pittoresque, ne suffisent pas pour la rendre. Le premier très
souvent pris en mauvaise part, est alors synonyme de chimérique et de fabuleux
: il signifie à la lettre un objet de roman, qui n’existe que dans le pays de la
féerie, dans les rêves bizarres de l’imagination et ne se trouve point dans la
nature. Le second n’exprime que les effets d’un tableau quelconque où diverses
masses rapprochées forment un ensemble qui frappe les yeux et le fait admirer,
mais sans que l’âme y participe, sans que le cœur y prenne un tendre intérêt.
Le mot anglais est plus heureux et plus énergique : en même temps qu’il
contient l’idée de ces parties groupées d’une manière neuve et variée, propres
à étonner les sens, il porte de plus dans l’âme le sentiment de l’émotion douce
et tendre, qui nait à leur vue, et joint ensemble les effets physiques et
moraux de la perspective. Si ce vallon n’est que pittoresque, c’est un point de
l’étendue qui prête au peintre et qui mérite d’être distingué et saisi par
l’art. Mais s’il est Romantique, on désire de s’y reposer, l’oeil se plaît à le
regarder et bientôt l’imagination attendrie le peuple de scènes intéressantes :
elle oublie le vallon pour se complaire dans les idées, dans les images qu’il
lui a inspirées. Le baron et ses collaborateurs font un certain nombre de choix significatifs : refus d’adopter la division en départements héritée de la Révolution au profit du découpage en provinces d’Ancien Régime ; mise en place de la notion – sinon du terme – de « patrimoine national », qu’il soit monumental, naturel ou immatériel ; intégration au projet des moyens les plus récents de diffusion de l’image par souci de présenter les vestiges de « l’ancienne France » avant leur disparition, en vue d’en perpétuer la mémoire et d’en faciliter, le cas échéant, la préservation. Il convient de replacer cet ensemble dans son contexte à la fois historique et littéraire – en s’interrogeant entre autres sur son ancrage dans l’environnement générique qui est le sien et sur la prise de conscience patrimoniale qui s’est opérée dans le prolongement de la Révolution et de l’Empire, à la faveur des atteintes portées en ces années-là au patrimoine en question. |
Jeudi 14 novembre 2024 L'historien et homme politique Henri Wallon (1812-1904) Françoise Demangeon |
Présentation de la conférence : ![]() Henri Wallon (1812-1904) est quasiment un illustre inconnu dans notre monde contemporain, même s’il fut renommé en son temps par ses travaux historiques, par son engagement contre l’esclavage et par son action décisive dans l’établissement de ce qui devint la IIIème République. Ses positions - un centrisme assumé dans une république modérée - ne lui valurent pas toujours les sympathies de ses confrères en politique. Parallèlement, une foi catholique ouvertement arborée acheva de brouiller son image. Mais jamais il ne transigea avec ses convictions profondes d’indépendance de pensée, de sens du devoir et de tolérance.
C'est Françoise Demangeon, membre du CEV, qui nous présentera l'auteur de l'« amendement Wallon » par lequel, en 1875, le mot République entra dans la loi constitutionnelle.
JeanPouëssel remercie l’assistance et rend hommage à Vincent Clévenot, professeur d’histoire-géographie au lycée Dumézil, membre assidu du CEV, brutalement disparu. Il présente ensuite Françoise Demangeon, membre du CA du CEV depuis 2022 et dont c’est la deuxième conférence après celle faite en collaboration avec Martine Vardon sur l’histoire du comité de jumelage. En introduction, la conférencière souligne que Henri Wallon est un illustre inconnu, alors qu’il fut historien, philosophe et homme politique sous la IIIe République. Il n’existe pas de thèse sur ce témoin précieux du XIXe siècle, républicain modéré et catholique. 1. L’enfance, la jeunesse, la formation et les débuts de la carrière professorale Il naît le 23 décembre 1812 à Valenciennes, ville à laquelle il restera toujours attaché. Son père est commissaire aux armées et, après la chute de l’Empire, il crée une société de messagerie. Il est voltairien alors que sa femme est une fervente catholique. Le couple appartient à une petite bourgeoisie active et cultivée. Une fille, Sophie, naît en 1811, suivie d’Henri. La vie familiale est heureuse. Henri rafle tous les prix au collège royal de Valenciennes et, à dix-sept ans, il envisage une carrière ecclésiastique, alors que son père veut l’orienter vers Polytechnique. Il commence une classe de Mathématiques supérieures mais, encouragé par son beau-frère, il passe en classe de Philosophie et réussit le concours de l’École Normale Supérieure en octobre 1831. Travailleur infatigable, il mène de front ses études à l’ENS et, à partir de 1832, à la faculté de Droit. Il obtient une licence de philosophie et envisage un sujet de thèse sur le chroniqueur médiéval Jean Froissart, gloire valenciennoise. La troisième année d’ENS est celle de la spécialisation. Il choisit l’histoire. En effet, il admire Jules Michelet et il n’a pas d’atomes crochus avec Victor Cousin et Théodore Jouffroy, les philosophes de la Sorbonne, dont les normaliens doivent suivre les cours. Il adopte la doctrine du catholicisme libéral, illustré par Lamennais, les conférences de Lacordaire à Notre-Dame et le cercle des amis de Frédéric Ozanam. Reçu premier à l’agrégation d’histoire en 1833, il a un poste à Paris, d’abord au lycée Louis-le-Grand, puis, en 1841, au collège Rollin, l’actuel lycée Jacque-Decour. Il soutient ses deux thèses en 1837. La première sur le droit d’asile, la seconde, en latin, sur l’immortalité de l’âme chez les Anciens. Docteur, il est chargé de cours à l’ENS. En 1839, il reçoit un prix de l’Institut. En 1839, il épouse une Douaisienne, Hortense Dupire (1813-1851). Six enfants naîtront de cette union (une fille, Marie, deviendra sœur Thérèse de Sales). Agrégé des facultés, en 1840, il participe à des jurys de thèses et, en 1842, Guizot le fait nommer maître de conférence en histoire ancienne à l’ENS. De 1846 à 1849, Wallon supplée Guizot à la Sorbonne. C’est un érudit, dépourvu de charisme. Catholique convaincu, plaçant très haut les vertus morales, il est très introduit dans les milieux intellectuels. 2. L’historien et la première époque de l’homme politique Sa première grande œuvre est une Histoire de l’esclavage dans l’Antiquité, publiée en 1847. Il travaille également sur l’esclavage dans les colonies françaises. En 1848, après la révolution de février, il est jugé trop peu républicain et destitué. Grâce à Victor Schoelcher, il entre cependant à la Commission sur l’abolition de l’esclavage dont il devient le secrétaire. Il est rétabli et titularisé comme professeur à la Sorbonne. En 1848, il est élu député de Guadeloupe, mais son élection est contestée. En revanche, il est battu à Valenciennes. En mai 1849, il est élu député du Nord et siège avec les républicains modérés. Durant son mandat , en 1849 et 1850, il présente un projet de loi à propos de l'abolition de la mort civile. En vain en 1849, avec une petite « amélioration » en 1850 – la mort civile sera abolie en 1854. Il prend position contre la loi Falloux sur la liberté de l’enseignement. Opposé à la restriction du droit de vote, il démissionne en 1850. La même année, il est élu à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, dont il deviendra secrétaire perpétuel en 1873. Retiré de la vie politique sous le Second empire, il publie de nombreux ouvrages, dont La Sainte Bible résumée dans son histoire et ses enseignements, 1854-1859, et De la croyance due à l'Évangile, 1858, qui le mettent en concurrence avec Ernest Renan sur la question de l’authenticité de la Bible. Parmi ses principaux ouvrages, on peut citer Jeanne d'Arc, 1860, Richard II, 1864, Saint-Louis et son temps, 1875, puis l’ensemble des Il se remarie avec une Valenciennoise, Pauline Boulan (1820-1878), avec laquelle il aura trois enfants. 3. L’historien et la seconde époque de l’homme politique En 1870, il fait partie de la garde nationale. Le 8 février 1871, il est élu député du Nord et il siège au centre droit. Une bonne part de la vie politique de la Chambre des députés s’anime autour de la question du régime républicain. La loi Rivet du 31 août 1871 ouvre la voie à une république parlementaire, donnant à Thiers le titre de Président de la République française tout en le maintenant chef responsable du Gouvernement. Une disposition de cette loi, dite constitution Rivet, introduite par les royalistes majoritaires à la Chambre, indique que l'Assemblée entend « user du pouvoir constituant, attribut essentiel de sa souveraineté ». mais la présidence de Mac-Mahon vise à orienter le régime vers une restauration monarchique. Le 30 novembre 1873 est institué le septennat. Le 30 janvier 1875, Wallon propose un amendement resté célèbre, où figure le mot de « République » : « le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible. » Il est voté par 353 voix contre 352 et Henri Wallon peut déclarer : « Ma proposition ne proclame pas la République, elle la fait. » Après l’établissement définitif de la République, il devient ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts. Il tombe avec le cabinet Buffet en mars 1876. Après avoir été nommé sénateur inamovible en décembre 1875, il est doyen de la Faculté des lettres de Paris de 1876 à 1881. ![]() Sous la IIIe République, il consacre quinze volumes à la Révolution française : La Terreur (1873), Histoire du tribunal révolutionnaire de Paris avec le journal de ses actes (1880-1882), La Révolution du 31 mai et le fédéralisme en 1793 (1886), Les Représentants du peuple en mission et la justice révolutionnaire dans les départements (1880-1890). Il défend la thèse d’une Révolution compromise par la Terreur. Il meurt le 13 novembre 1904 et il est inhumé au cimetière Montparnasse. On peut dire de lui qu’il fut un idéaliste, un homme tolérant, épris de justice, fidèle aux valeurs adoptées dès l’enfance. Une conférence riche, dense, illustrée, notamment par des caricatures savoureuses. Les questions portèrent sur le lien de parenté du Wallon du plan Langevin-Wallon pour l’ensegnement, jamais appliqué – c’est un petit-fils ; sur son rapport à la Guadeloupe, sur l’importance de ses ouvrages consacrés à la Révolution à une époque d’intenses débats sur l’interprétation de la période révolutionnaire. |
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Jeudi 12 décembre 2024 Le duel en Normandie au XIXe siècle Claude Cornu |
Présentation de la conférence :![]() ![]() C'est Claude Cornu, président de la Société d'études diverses de Louviers et sa région, qui nous fera découvrir cette pratique de combat singulier sensé trancher un différend entre deux adversaires, pratique encore persistante au XIXe siècle, notamment en Normandie. Résumé de la conférence : Jean Pouëssel rappelle que Claude Cornu est le président de la Société des études diverses de Louviers, une société sœur du CEV, et qu’il donne ce soir sa septième conférence. Avec sa maîtrise et sa clarté habituelles, le conférencier, après avoir remercié l’assistance et indiqué que l’on peut se procurer à l’issue de la conférence le dernier numéro d’Études normandes, détaille son propos à l’aide de nombreux exemples – non limités à la Normandie– et d’illustrations. . Narrant en introduction un duel ayant opposé le 9 octobre 1831 deux marchands drapiers de Louviers, il organise ensuite sa conférence en trois points. . 1. Les modalités du duel. Pratique codifiée, notamment définie dans l’ouvrage d’Adolphe Tavernier, L’Art du duel, obéissant à des règles convenues entre les témoins, il doit d’abord être précédé d’une tentative de conciliation. Si celle-ci échoue, le duel peut se faire au pistolet (soit au viser, plus dangereux, soit au commandement) ou à l’épée, par assauts de 3 minutes séparés par une pause d’une minute. L’on arrête le duel à la première blessure handicapante. On constate au fil du siècle une diminution du nombre de décès. Dans son Annuaire du duel – 1880-1889, Ferréus (pseudonyme d’un journaliste nommé Dujardin) recense 431 duels ayant causé 16 morts. ![]() 2. Qui se bat et pourquoi ? Le duel est réservé à la bonne société ayant en partage un code de l’honneur. On demande réparation d’injures orales ou écrites mettant en cause la vie publique ou privée, ou bien de propos tournant quelqu’un en ridicule, ou encore pour défendre l’honneur d’une famille ou d’un proche. Parmi les duellistes, on compte surtout des parlementaires et des journalistes. La presse joue le rôle de caisse de résonance de tous les propos susceptibles de donner lieu à duel. 3. Que fait la justice ? Le plus souvent, elle regarde ailleurs. Le terme de duel ne figure pas dans le Code pénal. On ne peut donc pas assimiler la mort d’un duelliste à un homicide et on considère que les combattants sont en état de légitime défense réciproque et qu’il y a convention. Un ar ![]() Si, en décembre 1837, la Cour de cassation revient sur cet arrêt en postulant que nul ne peut se faire justice, les juges, les jurys et l’opinion publique sont hostiles à ce nouvel arrêt. Lorsque les duellistes responsables de la mort de leur adversaire et les témoins sont déférés en cour d’assises, ils sont acquittés. Ainsi dans le Calvados en 1838 et à Rouen en 1846. Conclusion : la Grande Guerre met fin au duel, jugé indécent après que tant de soldats aient donné leur vie pour une cause bien supérieure aux blessures d’amour-propre. Les rares duels postérieurs peuvent être qualifiés de pantalonnades. Les questions ont montré l’intérêt suscité par une conférence remarquablement menée et passionnante. |